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Le sommeil et ses troubles

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Le sommeil normal

Le sommeil est un état physiologique nécessaire au fonctionnement de l’organisme. Il se caractérise par une suspension de la conscience et une modification du rapport entre l’individu et son environnement. Il s’agit en réalité d’un état hétérogène, comportant différents stades dont l’articulation avec l’état de veille joue un rôle crucial dans la régulation de nombreuses fonctions physiologiques (métabolisme, respiration, activité cardiaque, immunité, cognition…).

L’alternance des états de sommeil et de veille met en jeu de nombreuses structures cérébrales qui interagissent entre elles pour initier et stabiliser ces états. Ces structures sont soumises à différents processus de régulation. Parmi eux, l’homéostasie (traduisant l’accumulation d’une pression de sommeil croissante au cours de la veille) et le facteur circadien (synchronisation du rythme veille/sommeil sur 24 heures par notre « horloge interne ») ont un rôle prédominant. D’autres facteurs comme le stress ou la motivation sont également impliqués.

Une nuit de sommeil est organisée en cycles d’environ 90 minutes. Chaque cycle est composé de sommeil lent puis de sommeil paradoxal. Le sommeil lent comporte 3 stades de profondeur croissante caractérisés par un ralentissement de plus en plus important de l’activité cérébrale, visible sous la forme d’ondes lentes sur l’enregistrement électro-encéphalographique (EEG). Le sommeil paradoxal doit son nom à la présence d’une activité cérébrale rapide et de mouvements oculaires nombreux alors que le relâchement musculaire est maximal. Les premiers cycles de la nuit sont plus riches en sommeil lent profond, alors que les derniers ont une plus grande proportion de sommeil paradoxal. Les rêves peuvent survenir pendant tous les stades de sommeil, mais les dormeurs rapportent deux fois plus fréquemment des rêves après un réveil en sommeil paradoxal qu’en sommeil lent. 

La durée totale et l’organisation du sommeil varient au cours de la croissance et du vieillissement. A l’âge adulte, la durée moyenne de sommeil est de sept à huit heures par nuit, mais elle est variable selon les individus. On parle de « courts » et « longs » dormeurs pour des durées de sommeil <6h et >9h respectivement. Le sommeil est réparti chez l’adulte en un seul épisode qui coïncide en général avec la nuit. Chez le nouveau-né et le nourrisson, le sommeil est beaucoup plus prolongé (14-16h) et est fractionné en plusieurs épisodes survenant le jour et la nuit. Les siestes disparaissent progressivement dans les premières années de vie, et le sommeil nocturne devient plus stable. A l’adolescence, on observe souvent un décalage ou « retard » du rythme veille/sommeil (coucher et lever plus tardifs) alors qu’une avance de ce rythme est fréquente chez le sujet âgé qui présente aussi un sommeil plus fragmenté et souvent les siestes en journée.

Les motifs des perturbations du sommeil dans la vie quotidienne sont nombreux, constitués le plus souvent par un environnement ou des comportements inadaptés par rapport au sommeil (stimulations visuelles et sonores, consommation de stimulants comme la caféine, siestes tardives ou prolongées, irrégularité des horaires de coucher et lever) mais également par les contraintes professionnelles (travail de nuit ou posté) ou familiales (enfants en bas âge). De nombreuses maladies (infections, douleurs, dépression, anxiété…) et certains médicaments, l’alcool ou la consommation de drogues peuvent également perturber le sommeil.

Les troubles du sommeil

Les troubles du sommeil sont constitués principalement par l’insomnie, les troubles respiratoires liés au sommeil (apnées), l’hypersomnolence, les parasomnies (comme le somnambulisme), les troubles moteurs liés au sommeil et les troubles du rythme veille/sommeil.

L’insomnie 

L’insomnie est le trouble du sommeil le plus fréquent. Elle se manifeste par des difficultés d’endormissement, des éveils nocturnes, et/ou des réveils précoces le matin, associés à des difficultés de fonctionnement la journée. Ces difficultés peuvent être représentées par une fatigue, une altération des performances, une irritabilité, ou encore des troubles de l’humeur. L’insomnie peut être associée à d’autres maladies, en particulier la dépression. Sa prise en charge repose principalement sur des approches non médicamenteuses telles que les thérapies cognitives et comportementales. Des traitements  médicamenteux (ou « hypnotiques ») sont parfois prescrits pour des durées limitées.

Les apnées du sommeil

Cette pathologie est représentée par la survenue répétée d’asphyxie respiratoires au cours du sommeil dont la cause est un affaissement des voies aériennes supérieures à l’origine d’une fragmentation du sommeil et un déficit en oxygène (hypoxie intermittente). On parle alors d’apnées obstructives du sommeil qui se manifestent par des symptômes nocturnes (sommeil de mauvaise qualité, ronflement, suffocation nocturne, besoin d’uriner plusieurs fois la nuit) et diurnes (maux de tête au réveil, fatigue, somnolence, irritabilité) et sont responsables d’une altération majeure de la qualité de vie des patients.  A long terme, lorsque les apnées sont nombreuses, elles sont associées au risque de développer des maladies cardiovasculaires (hypertension artérielle, trouble du rythme cardiaque, infarctus du myocarde et accident vasculaire cérébral). Le traitement est mécanique soit par un appareil délivrant une pression d’air destinée à maintenir les voies respiratoires ouvertes soit par un dispositif buccal (orthèse) qui dégage les voies aériennes en avançant la mandibule.  Dans des cas plus rares, les apnées sont en rapport avec une instabilité de la commande ventilatoire, il s’agit dans cette configuration d’apnées centrales du sommeil

L’hypersomnolence

L’hypersomnolence se manifeste par un excès de sommeil sur les 24 heures qu’il soit nocturne et/ou diurne, une propension anormale au sommeil diurne (endormissements non souhaités) et/ou des difficultés à se réveiller le matin. La somnolence diurne peut résulter d’une privation de sommeil, et l’hypersomnolence de la prise de substances sédatives, d’une altération de la qualité du sommeil (par des apnées par exemple) ou d’autres maladies (dépression, obésité, maladies neurologiques comme la maladie de Parkinson, troubles endocriniens). Plus rarement, elle est en lien avec une maladie spécifique « primaire » du sommeil comme les narcolepsies de type 1 et 2, l’hypersomnie idiopathique, ou le syndrome de Kleine Levin.  La narcolepsie de type 1 touche une personne sur 2500; elle associe des endormissements irrépressibles dans la journée et des chutes brutales du tonus musculaire sans perte de conscience lors des émotions appelées cataplexies. Ces pathologies sont importantes à prendre en compte, notamment du fait de leur retentissement sur la vie quotidienne et du risque accidentel. Elles restent sous-diagnostiquées alors que des traitements spécifiques existent.

Les parasomnies 

Elles sont caractérisées par des perceptions ou comportement inhabituels au cours du sommeil ou des transitions entre veille et sommeil. En sommeil lent, les plus fréquentes sont les éveils confusionnels, les terreurs nocturnes et le somnambulisme. En sommeil paradoxal, peuvent être observés des cauchemars, des paralysies du sommeil et des troubles du comportement en sommeil paradoxal (persistance d’un tonus musculaire associé à la « mise en action » des rêves). La somniloquie (parler pendant le sommeil) peut survenir pendant tous les stades de sommeil. Les parasomnies résultent souvent d’un « mélange » entre stades de sommeil et de veille. Certaines de ces parasomnies sont très fréquentes et ne sont pas pathologiques, alors que d’autres peuvent être associées à des maladies neurologiques. La prise en charge varie selon le type de parasomnie, mais fait toujours appel à la sécurisation de l’environnement du dormeur.

Troubles du rythme veille/sommeil

Ces perturbations peuvent survenir lors du décalage horaire (jet lag), du travail posté ou d’anomalies internes ou primaires de synchronisation du rythme veille/sommeil sur les 24 heures avec possibilité d’avance de phase ou, beaucoup plus souvent, de retard de phase : le sommeil est décalé avec endormissements et levers très tardifs, difficilement compatibles avec une vie sociale normale. Des thérapies de resynchronisation peuvent être proposées, basées sur des mesures comportementales, l’exposition à la lumière et la mélatonine.

Les troubles moteurs liés au sommeil 

De nombreuses manifestations motrices peuvent survenir lors du sommeil: le syndrome des jambes sans repos, les myoclonies d’endormissement (brefs sursaut lors de la transition veille-sommeil), les rythmies du sommeil (balancements du corps ou de la tête), le bruxisme, ou encore les mouvements périodiques des membres (le plus souvent, contractions musculaires au niveau des jambes, survenant de façon répétée avec une périodicité de quelques dizaines de secondes). Les mouvements périodiques sont parfois associés au syndrome des jambes sans repos (sensations pénibles généralement localisées au niveau des jambes, survenant au repos, préférentiellement le soir et la nuit, et soulagées par le mouvement). Le syndrome des jambes sans repos est fréquent, et, s’il est sévère, peut avoir un retentissement majeur sur le sommeil et la qualité de vie.

Explorations et prise en charge

La prise en charge des troubles du sommeil débute par une consultation dédiée qui s’attache à préciser l’ancienneté des troubles, leur description exacte, les antécédents personnels et familiaux, l’environnement lié au sommeil et comporte un examen clinique orienté selon le motif de consultation. La tenue d’un agenda du sommeil, le plus souvent sur une à deux semaines, est généralement demandée. Des échelles de somnolence, d’insomnie, de qualité de sommeil et de qualité de vie permettront d’apprécier le retentissement des troubles. A ce stade, une prise en charge spécifique peut être proposée dans de nombreuses situations.

Des examens complémentaires peuvent être proposés, parmi lesquels :

  • L’actimétrie, qui repose sur l’enregistrement de l’activité motrice à l’aide d’un dispositif porté au poignet. Elle est utile pour évaluer objectivement le rythme veille/sommeil et donne des indications indirectes sur la qualité et la quantité du sommeil. Elle est réalisée à domicile pendant plusieurs jours.
  • Les enregistrements polygraphiques (paramètres respiratoires et cardiaques) ou polysomnographiques (polygraphie + enregistrement de l’activité cérébrale, des mouvements oculaires et du tonus musculaire pour identifier les stades de sommeil, avec parfois enregistrement vidéo associé) qui peuvent être réalisés en ambulatoire ou en laboratoire spécialisé du sommeil (le plus souvent pour la polysomnographie). Ces enregistrements se déroulent en général sur une ou deux nuits. Ils peuvent être associés à des tests itératifs de latence d’endormissement (permettant d’objectiver et de quantifier la somnolence diurne excessive) ou des tests de maintien de l’éveil (permettant d’attester l’efficacité d’un traitement sur la capacité à résister à l’endormissement).
  • Des prélèvements biologiques sanguins, salivaires ou urinaires (pour dosage de mélatonine par exemple), ou encore par ponction lombaire (dosage de l’orexine pour confirmer un diagnostic de narcolepsie de type 1)